La gestion de projet vous intéresse ou fait partie de votre travail quotidien ? Ça tombe bien, cet article de méthodologie est fait pour vous ! Nous allons y aborder une phase importante du cycle de vie d’un projet : l’estimation. L’objectif de cet article est de vous donner les éléments théoriques de base et quelques astuces sur le sujet.
Dans l’enthousiasme de commencer un nouveau projet, les managers minimisent les efforts consentis pour estimer la durée et les coûts. Il s’agit d’une grave erreur car les estimations sont nécessaires pour prendre des décisions, pour définir et gérer un budget, pour planifier le projet, pour recruter les ressources, etc… C’est un point de référence à ne pas rater pour partir du bon pied sur le projet !
L’estimation consiste à évaluer la durée et les coûts de la réalisation des livrables d’un projet. En pratique, on classe les méthodologies dans ce domaine en deux grandes catégories :
- Les estimations agrégées (Top-Down)
- Les estimations détaillées (Bottom-Up)
Entre théorie et pratique, les éléments basiques
Avant de détailler ces catégories, je vais vous donner quelques facteurs qui influent sur la qualité des estimations de façon générale. Maitriser ces éléments augmente la précision de vos chiffrages et vous permet de vous approcher de la probabilité symbolique de respect des estimations, à savoir 95%. Si vous faites déjà de la gestion de projet, c’est l’occasion de vérifier la prise en compte de ces facteurs dans vos chiffrages :
- L’horizon de la planification
Le pourcentage d’exactitude de votre estimation à court terme est proche de 100% et diminue à mesure que les événements sont éloignés dans le temps. - La durée du projet
Plus le projet est à longue échéance, et plus le temps consacré à l’estimation doit être long. - Le facteur humain
Il s’agit parfois d’une source d’erreur. Si vous demandez une estimation à un membre de votre équipe qui n’est pas spécialiste sur une nouvelle technologie à mettre en place, il risque de vous fournir une mauvaise estimation. Faites attention alors ! - La structure et l’organisation d’un projet
Les ressources du projet sont dédiées ou partagées ? Votre équipe travaille avec des méthodologies agiles ou plutôt classiques ? Le coût de la coordination n’est pas négligeable dans certains cas. - Le gonflement des estimations
Je vous vois sourire, qui n’a jamais vu ce phénomène en entreprise ?! On entend parfois ce type d’échanges:
– A combien vous chiffrez l’ajout d’un nouveau bouton sur l’écran X ?
– 10 jours, ça devrait aller en 10 jours avec les tests !Si j’ai un conseil à vous donner, restez réalistes ! Un chef de projet cherche par défaut à se protéger des dépassements budgétaires et des imprévus. Cela n’explique pas le fait d’ajouter des « taxes » de management, de documentation, etc… pour chaque tâche à implémenter. - La culture organisationnelle
L’importance du processus d’estimation varie selon l’endroit. Dans certaines entreprises, la tendance est à fournir des chiffrages exacts. Dans d’autres, le gonflement est toléré, voir demandé dans certains cas. - Des facteurs extérieurs au projet
Des considérations liées au marché, à des questions légales, à l’actualité… sont parfois à prendre en compte et peuvent influencer la durée et/ou le coût prévus.
Je sais que vous préférez la pratique à la théorie. C’est pour cette raison que je vous résume les principes directeurs de l’estimation des durées, des coûts et des ressources sous forme d’astuces :
- Confiez les estimations aux ressources qui connaissent le mieux les tâches en question.
- Faites appel à différentes personnes pour avoir plusieurs points de vue.
- Fondez vos estimations sur des « conditions normales » en termes de ressources (matériel ou personnel).
- Choisissez les unités de temps. En entreprise, il s’agit assez souvent des « jours homme ». Sur certaines opérations, on utilise les heures comme unité.
- Divisez le projet en tâches indépendantes, chiffrables chacune à part.
- Calculez le degré de risque (ou de confiance) sur chaque tâche du projet.
Les méthodes d’estimation
Quand il s’agit de faire une estimation, nous entendons parfois :
« Un ordre de grandeur suffit largement. C’est juste pour avoir une idée. Nous n’avons pas besoin de perdre du temps à faire un chiffrage détaillé »
Et d’autres fois, c’est plutôt :
« Nous avons besoin de faire un chiffrage très détaillé. Il s’agit d’un projet stratégique et on ne veut pas se planter ! »
Vous avez bien compris, il y a deux grandes catégories d’estimation :
- Agrégée, on parle de Top-Down
- Détaillée, on parle de Bottom-Up
Dans le premier cas, le manager s’appuie sur son expérience pour faire des estimations, avant de les communiquer aux personnes sous sa responsabilité. L’information descend de haut vers le bas, donc du Top-Down.
Dans le deuxième cas, le manager fait appel aux membres de son équipe pour chiffrer une tâche donnée en détails. L’information remonte d’en bas vers le haut, donc du Bottom-Up.
Dans le tableau qui suit, je vous présente les conditions de choix de la méthode.
Conditions | Estimations agrégées Top-Down | Estimations détaillées Bottom-Up |
Prise de décision stratégique | X | |
Importance du coût et de la durée | X | |
Incertitude élevée | X | |
Projet de petite envergure à l’interne | X | |
Contrat à prix fixe | X | |
Demande de renseignements détaillés formulée par le client | X | |
Contenu variable |
Comparons maintenant les deux méthodes dans le tableau ci-dessous :
Axe | Estimations agrégées Top-Down | Estimations détaillées Bottom-Up |
Utilisation visée | Etape des études de faisabilité Estimation rapide des coûts Investissements requis Planification des ressources | Budgétisation Calendrier Besoins en ressources Flux de trésorerie nécessaires |
Coûts de préparation | Entre 0,1 et 0,3% du coût total du projet | Entre 0,3 et 1% du coût total du projet |
Précision | Intervalle de confiance : [-20%, +60%] | Intervalle de confiance : [-10%, +30%] |
Méthodes | Consensus Ratio Répartition proportionnelle Points fonctionnels Courbes d’apprentissage | Par modèle Paramétrique Lots de travaux Triple estimation |
Maintenant que vous avez tous les éléments pour faire des estimations efficaces, il ne reste plus qu’à mettre en pratique.
Pour finir cet article, je reprends la citation de J. K. Pinto (1996) :
« L’estimation d’un projet constitue en fait un point de référence pour le contrôle de ses coûts. Si le point de référence est erroné, on part du mauvais pied ! Il ne faut jamais sous-estimer une estimation »
Tarek
Source : Livre « Project management, The managerial process » d’Erik W. Larson et Clifford F. Gray, 5ème édition, 2011, McGraw-Hill/Irwin